Comment une gérer une situation de harcèlement ?


Posté le 16 avril 2021

Comment gérer une situation de harcèlement.

Les relations sociales deviennent de plus en plus difficiles, et de nombreux salariés se plaignent de situations de harcèlement à raison de surcharge de travail, isolement, relations dégradées avec des collègues etc…

Lorsqu’un salarié dénonce (à tort ou raison) une situation de harcèlement auprès de l’employeur ou d’un représentant du personnel, il est nécessaire de mettre en place une action permettant de vérifier les dires du salarié puis le cas échéant d’y remédier.

La Cour de Cassation aux termes d’une série d’arrêts donne des lignes directrices des actions pouvant être entreprises.

Le préambule.

Il faut rappeler en premier lieu que toute entreprise assume une obligation de prévention du harcèlement et de ce fait doit mettre en œuvre des mesures destinées à prévenir ce type de comportement. Ces mesures doivent être intégrées dans le Document Unique d’Evaluation des Risques Professionnels (DUERP).

Les représentants du personnel doivent bien entendu être associés aux démarches visant à améliorer la Qualité de Vie au Travail.

1 – La nécessaire enquête.

Une circulaire ministérielle précise qu’en cas de dénonciation d’une situation de harcèlement, l’employeur doit mettre en œuvre une enquête interne, par les représentants du personnel, ou encore externe par un prestataire.

La Cour de Cassation précise que la mise en place d’une enquête est en réalité obligatoire. (Soc 27 novembre 2019 n°18-10551).

Il sera pertinent d’informer le salarié dénonçant les faits que ses dires sont pris en compte et qu’une enquête est diligentée. Il sera de même bien de le tenir informé régulièrement de l’avancement de l’enquête.

Dans l’attente de l’issue de l’enquête, il faudra veiller à ce que le salarié « victime » ne soit plus au contact de l’auteur présumé.

2 – Forme de l’enquête.

La question que de nombreuses entreprises se posent est de savoir si l’enquête menée doit l’être de manière exhaustive. Tous les salariés de l’entreprise ou d’un service concerné par la situation de harcèlement doivent-ils être entendus ?

La Cour de Cassation considère que l’enquête peut être faite par voie d’échantillonnage. Il sera évidemment nécessaire que l’échantillon retenu soit suffisamment important pour être représentatif du personnel de l’entreprise ou du service concerné. (Soc 8 janvier 2020 n°18-20151).

3 – Une enquête secrète ou officielle ?

Se pose la question de savoir si l’employeur doit aviser l’auteur présumé des faits de la mise en place d’une enquête pour déterminer si les faits de harcèlement dénoncés sont exacts ou non.

La Cour de Cassation estime que l’employeur n’a pas à aviser cet auteur présumé de la mise en œuvre d’une enquête visant à déterminer si ce salarié a commis ou non des faits de harcèlement. (Soc 17 mars 2021 n°18-25597).

Le propos est bien entendu de protéger les salariés témoins des faits et d’éviter des pressions.

4 – En cas de harcèlement avéré.

Si l’enquête permet d’établir que les faits dénoncés sont avérés, l’entreprise peut prendre plusieurs initiatives.

4.1 La médiation.

L’article L1152-6 du code du travail prévoit que le salarié et l’employeur peuvent provoquer une médiation. Le propos est alors de tenter de trouver une solution pour préserver l’emploi de tous les salariés concernés, et retrouver une relation de travail normale.

4.2 La sanction disciplinaire.

La Cour de Cassation rappelle que toute entreprise assume une obligation de sécurité à l’égard de ses salariés et de ce fait doit prendre des sanctions lorsque des faits de harcèlement sont avérés. (soc 10 mai 2001 n°99-40059) à défaut l’entreprise engagera sa responsabilité.

La sanction disciplinaire peut aller jusqu’au licenciement pour faute grave. L’entreprise doit moduler la sanction en fonction de la gravité des faits et de l’implication de la personne concernée.

4.3 La protection du salarié dénonciateur et des témoins.

Le salarié se plaignant de harcèlement ne peut pas être licencié, à défaut le licenciement serait nul article L1152-2 du code du travail.

De la même manière les témoins des faits ayant donné leur soutien à la victime ne peuvent faire l’objet de sanctions lesquelles seraient nulles pour les mêmes motifs.

En cas de licenciement nul l’entreprise s’expose à une condamnation à dommages et intérêts d’un montant minimum de 6 mois de salaire.

4.4 Les sanctions pénales.

Il faut rappeler que le harcèlement moral ou sexuel est une infraction pénale, l’auteur des faits s’expose aux sanctions suivantes :

  •  2 ans d’emprisonnement.
  •  30 000€ d’amende.

5 – Des faits dénoncés non avérés.

Si les faits dénoncés ne s’avèrent pas réels, l’entreprise dispose de plusieurs moyens d’action.

En premier lieu, il faut rappeler que le salarié dispose d’un droit à dénoncer les faits de harcèlement (soc 28 septembre 2016 n°15-21823).

Aucune sanction disciplinaire ne peut être prise à l’encontre d’un salarié ayant dénoncé à tort des faits de harcèlement.

Mais en second lieu, ce principe trouve sa limite lorsque la dénonciation est abusive. Si le salarié dénonce des faits de mauvaise foi, ou s’il avait connaissance que les faits dénoncés n’étaient pas réels alors l’entreprise peut prendre plusieurs initiatives :

  • Déposer plainte pour dénonciation calomnieuse et diffamation. (Crim 26 novembre 2019 n°19-80360).
  • Licencier le salarié pour cause réelle et sérieuse (Soc 28 janvier 2015) faute grave (Soc 6 juin 2012 n°10-28345) ou même faute lourde (Soc 5 juillet 2018 n°17-17485).

L’on voit ainsi que les situations de harcèlement doivent être traitées avec célérité et précaution aux fins d’éviter des développements contentieux préjudiciables.

En savoir plus sur le droit de travail…

Philippe SALMON

Avocat

DESS Droit des Affaires - DJCE

Spécialiste en droit du travail