Licenciement Economique


Posté le 26 mai 2025

1. Définition et fondement juridique

Le licenciement économique est défini à l’article L.1233-3 du Code du travail comme une rupture du contrat de travail motivée par des causes non inhérentes à la personne du salarié, résultant notamment :

  • de difficultés économiques ;
  • de mutations technologiques ;
  • de la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise ;
  • de la cessation d’activité de l’entreprise.

La jurisprudence a précisé que l’employeur doit démontrer la réalité et la gravité de la cause économique invoquée, ainsi que l’impossibilité de reclasser le salarié concerné.

2. Définition du motif économique

Le licenciement pour motif économique est défini comme une rupture du contrat de travail résultant d’une suppression ou transformation d’emploi, ou d’une modification refusée par le salarié d’un élément essentiel du contrat, consécutives notamment à :

  1. Des difficultés économiques, caractérisées par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation. La durée de cette baisse est appréciée en fonction de la taille de l’entreprise :
    Un trimestre pour une entreprise de moins de 11 salariés ;
    Deux trimestres consécutifs pour une entreprise de 11 à moins de 50 salariés ;
    • Trois trimestres consécutifs pour une entreprise de 50 à moins de 300 salariés ;
    Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de 300 salariés et plus.
  2. Des mutations technologiques rendant nécessaire la suppression ou la transformation d’emploi.
  3. Une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité.
  4. La cessation d’activité de l’entreprise.

Il est important de noter que la matérialité de la suppression, de la transformation d’emploi ou de la modification d’un élément essentiel du contrat de travail s’apprécie au niveau de l’entreprise

3. Obligation de reclassement

a. Principe général

Avant de procéder à un licenciement pour motif économique, l’employeur doit rechercher toutes les possibilités de reclassement du salarié concerné. Cette obligation s’applique quel que soit l’effectif de l’entreprise ou le nombre de salariés visés par le licenciement.

b. Périmètre de la recherche de reclassement

L’obligation de reclassement s’étend à l’ensemble des emplois disponibles sur le territoire national, dans l’entreprise ou dans les autres entreprises du groupe auquel elle appartient, dès lors que l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation permettent la permutation de tout ou partie du personnel.

c. Caractéristiques des postes proposés

Le reclassement doit porter sur un emploi relevant de la même catégorie que celui occupé par le salarié ou sur un emploi équivalent assorti d’une rémunération équivalente. À défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, le reclassement peut s’effectuer sur un emploi d’une catégorie inférieure.

d. Modalités de communication des offres

Les offres de reclassement doivent être :

  • Écrites et précises, indiquant notamment l’intitulé du poste, son descriptif, le nom de l’employeur, la nature du contrat de travail, la localisation du poste, le niveau de rémunération et la classification du poste.
  • Adressées de manière personnalisée à chaque salarié concerné ou diffusées par tout moyen à l’ensemble des salariés, dans des conditions précisées par décret.

e. Obligation de moyen renforcée

L’obligation de reclassement est une obligation de moyen renforcée. L’employeur doit démontrer qu’il a mis en œuvre toutes les diligences nécessaires pour reclasser le salarié. En cas de manquement, le licenciement est considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse.

4. Critères d’ordre des licenciements économiques

Lorsqu’un employeur envisage un licenciement économique, qu’il soit individuel ou collectif, il doit déterminer l’ordre des licenciements en appliquant des critères objectifs. Ces critères sont fixés par accord collectif ou, à défaut, définis par l’employeur après consultation du comité social et économique (CSE).

a. Critères légaux obligatoires

En l’absence d’accord collectif, l’employeur doit prendre en compte les critères suivants :

  1. Les charges de famille, notamment celles des parents isolés.
  2. L’ancienneté de service dans l’établissement ou l’entreprise.
  3. La situation des salariés présentant des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment les personnes handicapées et les salariés âgés.
  4. Les qualités professionnelles appréciées par catégorie.

L’employeur peut privilégier l’un de ces critères, à condition de tenir compte de l’ensemble des autres.

b. Modalités d’application

  • Catégorie professionnelle : Les critères sont appliqués au sein de chaque catégorie professionnelle, définie comme l’ensemble des salariés exerçant des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune.
  • Zone géographique : Le périmètre d’application des critères peut être fixé par accord collectif. À défaut, il ne peut être inférieur à celui de chaque zone d’emploi dans laquelle sont situés un ou plusieurs établissements de l’entreprise concernés par les suppressions d’emplois.

c. Communication des critères au salarié

Le salarié peut demander à l’employeur, par lettre recommandée avec accusé de réception ou remise contre récépissé, de lui communiquer les critères retenus pour fixer l’ordre des licenciements. Cette demande doit être formulée dans un délai de 10 jours à compter de la date à laquelle il quitte effectivement son emploi. L’employeur dispose alors de 10 jours pour répondre.

5. Procédure de licenciement économique

a. Obligation de reclassement

Avant tout licenciement, l’employeur doit rechercher des possibilités de reclassement pour le salarié, au sein de l’entreprise ou du groupe auquel elle appartient. Cette obligation est prévue à l’article L.1233-4 du Code du travail et a été renforcée par la jurisprudence.

Le reclassement doit porter sur un emploi de la même catégorie ou équivalent, avec une rémunération comparable. À défaut, et avec l’accord exprès du salarié, un emploi de catégorie inférieure peut être proposé. Les offres doivent être écrites, précises et adaptées aux compétences du salarié.

b. Procédure selon le nombre de licenciements

i. Licenciement individuel ou de moins de 10 salariés sur 30 jours

  1. Information et consultation des représentants du personnel (s’ils existent) : l’employeur doit les informer des motifs économiques, du nombre de salariés concernés, des catégories professionnelles impactées et des critères d’ordre des licenciements.
  2. Établissement des critères d’ordre des licenciements : en l’absence d’accord collectif, l’employeur définit les critères en tenant compte notamment de l’ancienneté, des charges de famille, de la situation des salariés âgés ou handicapés.
  3. Convocation à un entretien préalable : par lettre recommandée ou remise en main propre, en respectant un délai de 5 jour ouvrable entre la convocation et l’entretien (article L.1233-11 du Code du travail).
  4. Entretien préalable : permet au salarié de s’exprimer sur le projet de licenciement.
  5. Notification du licenciement : par lettre recommandée avec accusé de réception, au moins 7 jours ouvrables après l’entretien (15 jours pour les cadres).
  6. Information de l’administration : l’employeur doit informer la Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS) dans un délai de 8 jours suivant l’envoi des lettres de licenciement.

ii. Licenciement collectif de 10 salariés ou plus sur 30 jours

  1. Information et consultation du comité social et économique (CSE) : l’employeur doit consulter le CSE sur le projet de licenciement et sur le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE).
  2. Élaboration d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) : obligatoire pour les entreprises de 50 salariés et plus, le PSE doit contenir des mesures visant à éviter ou limiter les licenciements et à faciliter le reclassement des salariés (article L.1233-61 du Code du travail).
  3. Consultation de l’administration : le projet de licenciement et le PSE sont transmis à la DREETS, qui peut valider ou homologuer le plan.
  4. Notification des licenciements : après la décision de l’administration, l’employeur peut notifier les licenciements aux salariés concernés.
  5. Dispositifs d’accompagnement

a. Contrat de sécurisation professionnelle (CSP)

Proposé aux salariés concernés par un licenciement économique, le CSP offre un accompagnement renforcé vers le retour à l’emploi. Le salarié dispose de 21 jours pour accepter ou refuser le CSP. En cas d’acceptation, le contrat de travail est rompu d’un commun accord, et le salarié perçoit une allocation spécifique.

b. Plan de sauvegarde de l’emploi (PSE)

Le PSE doit contenir des mesures telles que des actions de formation, des aides à la création d’entreprise, des dispositifs de reclassement interne ou externe, et des mesures d’âge. Il vise à éviter ou limiter les licenciements et à faciliter le reclassement des salariés.

6. Indemnités et droits du salarié

  • Indemnité légale de licenciement : calculée en fonction de l’ancienneté du salarié, elle est au minimum de 1/4 de mois de salaire par année d’ancienneté pour les 10 premières années, puis de 1/3 de mois par année au-delà, sauf dispositions plus favorables de la convention collective.
  • Indemnité compensatrice de préavis : due si le salarié n’effectue pas son préavis, sauf en cas d’adhésion au CSP. En cas d’adhésion du CSP, le contrat de travail est rompu sans préavis au terme du délai de 21 jours. France Travail sollicitera ensuite le paiement d’une contribution équivalente au préavis. Cette contribution est payée par l’entreprise.
  • Indemnité compensatrice de congés payés : correspond aux congés acquis non pris.
  • Allocation de retour à l’emploi (ARE) : versée par Pôle emploi, sous réserve des conditions d’affiliation. Ou allocation CSP si le salarié a adhéré au CSP.

7. Voies de contestation

Le salarié peut contester son licenciement devant le conseil de prud’hommes dans un délai de 12 mois à compter de la notification du licenciement. Il peut invoquer :

  • L’absence de cause réelle et sérieuse ;
  • Le non-respect de la procédure ;
  • Le manquement à l’obligation de reclassement.

En cas d’irrégularité, le conseil de prud’hommes peut accorder des dommages et intérêts au salarié.

En savoir plus sur le droit du travail…

Philippe SALMON

Avocat

DESS Droit des Affaires - DJCE

Spécialiste en droit du travail