La Canicule en Droit du Travail


Posté le 19 juin 2025

À partir du 1er juillet 2025, de nouvelles obligations légales entreront en vigueur pour les employeurs en France afin de protéger les travailleurs contre les risques liés aux épisodes de chaleur intense, conformément au décret n° 2025-482 du 27 mai 2025 et à un arrêté du même jour. Ces mesures, intégrées au Code du travail, s’inscrivent dans le contexte du réchauffement climatique et de l’augmentation des vagues de chaleur.

Contexte et cadre réglementaire

Face à l’intensification des épisodes de chaleur, le législateur français a renforcé les obligations des employeurs pour garantir la santé et la sécurité des salariés, qu’ils travaillent en intérieur ou en extérieur. Ces obligations s’appuient sur le dispositif de vigilance météorologique « canicule » de Météo-France, qui classe les épisodes de chaleur en trois niveaux de vigilance : jaune (pic de chaleur de 1 à 2 jours), orange (canicule durable) et rouge (canicule extrême). Ces seuils permettent d’identifier les situations à risque et d’adapter les mesures de prévention en conséquence.

Évaluation des risques

L’employeur doit désormais intégrer les risques liés aux épisodes de chaleur intense dans l’évaluation des risques professionnels, conformément à l’article R.4463-2 du Code du travail. Cette évaluation, réalisée pour les postes en intérieur comme en extérieur, doit être consignée dans le Document Unique d’Évaluation des Risques Professionnels (DUERP). Pour les entreprises de plus de 50 salariés, le Programme Annuel de Prévention des Risques Professionnels et d’Amélioration des Conditions de Travail (PAPRIPACT) doit être mis à jour. Pour celles de moins de 50 salariés, une liste d’actions de prévention doit être établie. Si un risque pour la santé ou la sécurité des travailleurs est identifié, des mesures spécifiques doivent être mises en place.

Mesures de prévention obligatoires

Le décret énonce plusieurs mesures concrètes pour réduire l’exposition des travailleurs à la chaleur :

  1. Adaptation de l’organisation du travail : Les employeurs doivent ajuster les horaires pour éviter les heures les plus chaudes, suspendre les tâches physiquement exigeantes, augmenter les périodes de repos et, si possible, favoriser le télétravail pour les postes compatibles.
  2. Aménagement des lieux de travail : Des modifications des postes de travail doivent être envisagées pour limiter l’exposition à la chaleur, par exemple en installant des pare-soleil, des ventilateurs ou des brumisateurs.
  3. Mise à disposition d’eau potable : L’accès à de l’eau fraîche doit être renforcé, avec un minimum de trois litres par jour et par travailleur sur les chantiers sans eau courante
  4. Équipements adaptés : Les employeurs doivent fournir des vêtements respirants, des couvre-chefs ou des lunettes pour protéger les salariés, en particulier ceux exposés directement au soleil.
  5. Formation et information : Les travailleurs doivent être formés sur les risques liés à la chaleur (coups de chaleur, déshydratation) et informés des gestes de premiers secours.
  6. Protocoles de secours : Des procédures spécifiques doivent être établies pour les travailleurs isolés ou vulnérables, comme les femmes enceintes, afin de garantir une intervention rapide en cas de problème.

Dispositions spécifiques pour certains secteurs

Dans les secteurs du bâtiment, des travaux publics, de l’agriculture ou des travaux en hauteur, les plans de prévention doivent désormais inclure les risques liés à la chaleur. Les travailleurs indépendants et les employeurs exerçant directement une activité sur ces chantiers sont également concernés par ces obligations.

Rôle de l’inspection du travail

En cas de non-respect de ces mesures, l’inspection du travail peut intervenir et mettre en demeure l’employeur de se conformer à la réglementation. Cela renforce l’importance d’une mise en œuvre rigoureuse des actions de prévention.

Objectifs et impact

Ces nouvelles dispositions visent à anticiper les effets du changement climatique et à protéger les travailleurs exposés, tout en s’inscrivant dans le Plan national d’adaptation au changement climatique et le quatrième Plan de santé au travail (PST4 2021-2025). Elles répondent à une nécessité croissante de préserver la santé des salariés face à des épisodes de chaleur de plus en plus fréquents et intenses.

En conclusion, les employeurs doivent dès à présent se préparer à ces changements en mettant à jour leurs documents de prévention, en formant leurs équipes et en adaptant leurs pratiques. Une concertation avec le Comité Social et Économique (CSE) et les partenaires sociaux peut faciliter la mise en œuvre de ces mesures.

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Philippe SALMON

Avocat

DESS Droit des Affaires - DJCE

Spécialiste en droit du travail